Je prépare ma valise quand s’affiche le code présidentiel !
— Monsieur le Président, tu ne dors pas !
— Claire, je viens de prendre connaissance de ta mission, c’est un succès malgré le désastre écologique ! Ils ont mis le paquet.
— Je sais, mais c’était nécessaire.
— Claire, parle-moi du caillou, ton ressenti. J’ai des conseillers, mais entre leurs ambitions et la politique je n’ai pas la vérité.
— Tu veux l’avis de Louise Michel !
— Te voilà anarchiste !
— Louise a quand même un lycée qui porte son nom à Nouméa ! Alors que la France a envoyé au bagne une institutrice, écrivaine, militante anarchiste, franc-maçonne aux idées féministes et l’une des figures majeures de la Commune de Paris. Entre nous, il y en a aujourd’hui des députés et autres qui auraient leur place au bagne !
— Époque révolue ! L’histoire reste.
— En parlant d’histoire, sur la chaîne Caledonia passe souvent un documentaire sur l’histoire de la Nouvelle-Calédonie, baptisée ainsi par James Cook en souvenir de son île natale d’Écosse en 1774. Puis l’évangélisation comme partout au nom de Dieu ! Aujourd’hui c’est au nom d’Allah ! Rien ne change vraiment, ce que je te dis c’est dans le « Petit Futé », mais le document incite à la haine du colonialisme et ça, c’est l’histoire !
— Tu me fais rire ! Je vais demander aux ministres de lire le « Petit Futé » à chacun de leur voyage !
— Ce qui me fait honte c’est l’histoire des bagnes, les Français qui – par ailleurs – ont été décorés pour leurs exactions. En 1854, Tardy de Montravel qui dépouilla le chef de tribu Bwarhat en hissant le drapeau tricolore et en le déportant, ce qui a donné de graves affrontements entre colons et Kanaks ; sans compter Gaultier de La Richerie, gouverneur du bagne de Teremba… Je ne vais pas te faire l’historique, mais je conclus qu’à ce jour les mouvements indépendantistes ne veulent plus de la France.
— Je t’arrête, trois référendums pour l’indépendance : OUI ou NON ? À chaque fois, 70 % de NON !
— Soixante-dix pour cent de la population est européenne et caldoche ! Le reste ce sont les Kanaks ! Fais un vote en demandant aux Kanaks s’ils désirent l’indépendance ! J’ai la réponse.
— Claire, ce sont les Caldoches qui dirigent le pays, tant pour l’économie que pour le tourisme.
— Les Caldoches, qui sont-ils ? Des descendants de bagnards pour la plupart, ceux-là mêmes qui ont dépouillé le pays et qui continuent, car à Nouméa cinq familles possèdent et contrôlent tout !
— J’ai été informé lors de mon voyage de cette situation, notamment des marges de 70 % sur certains produits, Bruno s’en occupe.
— La Calédonie a été le premier fournisseur mondial de nickel dans les années soixante. Nous fournissons du brut aux Chinois qui nous le revendent transformé et très cher ! Les mines vont mal : les Suisses et les Canadiens qui en sont actionnaires jettent l’éponge, le groupe français Arameta a vendu au Canada ! Encore un fleuron français va être absorbé par la Chine ?
— Nous n’en sommes pas là ! J’ai repris le dossier en main et j’ai bien l’intention de réorganiser tout cela.
— Avec les mouvements de grève qui vont avec, c’est inéluctable !
— Tu as la solution ?
— Président, je ne fais pas de politique, mais mon idée serait de faire un bail d’exploitation à un Elan Misk, en échange de quoi il s’engagerait à fabriquer les batteries en Calédo ou en France et à créer une usine Stela en France. Là, tu dormirais sur tes deux oreilles.
— L’idée est bonne, sauf que le groupe Stela on le paye pour qu’il s’installe dans un pays, notamment en Europe, et là : terrain, charges sociales, aides, tout lui est dû.
— Oui, sauf que là il a la matière première ! Envoie Gérald et Bruno sur le rocher, qu’ils se rendent compte ! Notre mission a noyé une révolution. Gégé est aussi ministre de l’Intérieur à l’extérieur ?
— Pas facile à faire passer comme solution.
— Tu sais, les 534 tribus sont en autonomie en ce qui concerne l’agriculture, l’élevage, l’électricité, l’eau et elles touchent des loyers. À ce jour dans la rébellion qui couve, c’est entre autres la pression fiscale que Bercy exerce sur les tribus possédant les terres minières qui est en cause. Un jeune qui travaille donne ses revenus à la tribu, en échange il touche un peu d’argent mais se voit attribuer un terrain, il a l’autorisation de couper son bois pour construire sa maison. Un autre monde !
— Bien, j’ai écouté ! Dis-moi, Giraud m’a informé que c’était ta dernière mission ?
— Comme toi président !
— Oui ! Il me reste encore quatre ans. Accompagne-moi jusqu’à la fin.
— Non, j’arrête, j’ai un autre poste plus important !
— Claire !
— Pas de panique, je ne vais pas travailler pour un autre pays, je vais tout simplement devenir mamie ! Léa accouche d’ici moins de trois semaines et dans quatre jours je la rejoins.
— Claire, je suis si heureux pour toi et ta fille ! Quand tu viens débriefer, appelle-moi, j’organise un dîner entre nous ! Je t’embrasse !
Une heure après, un SMS : « Claire, félicitations ! Envoie-moi l’adresse de Léa, préviens-moi quand baby arrive et à bientôt pour un dîner ! Je t’embrasse. Béatrice. »
Ça sent le cadeau présidentiel !